Chapitre 11 – France, nous voilà!

De Newlyn à L’Aber Wrac’h – Au milieu des gros bateaux

Eh bien, nous y étions.

Nous avions longuement préparé la traversée de la Manche, du moins mentalement, comme le plat de résistance de notre aventure.

En fait, qu’est-ce que cela représentait de si inquiétant?

Notre préoccupation principale était l’intense trafic maritime que nous voyions sur les sites internet de localisation AIS. Gina, qui regardait les mêmes sites depuis la maison, était aussi anxieuse.

Voici ce à quoi cela pouvait ressembler, la ligne bleue étant notre route prévue:

Trafic AIS dans la Manche!

Trafic AIS dans la Manche!

Vu de cette manière, il paraissait que nous serions comme une boule dans un flipper.
En fait, que l’on zoome en avant ou en arrière, la taille des pictos des bateaux ne change pas. En réalité, ils sont beaucoup plus petits et beaucoup plus espacés que sur l’écran.

Quant au reste, tout ce que nous pouvions craindre était le brouillard. L’état de la mer ne nous inquiétait pas, nous étions habitués au mauvais temps et avions entièrement confiance, tant en notre coque qu’en notre moteur.

Le brouillard du matin s’était complètement évaporé quand nous avons quitté Newlyn, à 14h00. Nous avons informés les garde-côtes de  notre départ et de notre destination par VHF.

Nous avions 100 milles à parcourir, et tenions à arriver de jour à l’Aber Wrac’h, car ce port se situe au fond d’un loch (un aber) parsemé de petites îles et de rochers, au milieu desquels il fallait naviguer selon une route bien définie.

La mer était calme, la barre était facile à tenir.
Comme John pilotait et que j’avais du temps à perdre, j’ai extirpé de la soute arrière le vieux pilote automatique, trafiqué et sous-dimensionné, et bricolé un montage de fortune pour voir ce qu’il donnerait en action.
Après quelques réglages, contre toute attente, le sacré bazar s’est mis à diriger le bateau!
John était furieux contre moi. « Ce truc nous aurait évité des heures de barre, si seulement tu l’avais sorti plus tôt! » .
Ce à quoi je lui ai répondu qu’il n’était pas censé fonctionner au départ, qu’il avait été trafiqué et que toutes ses vis étaient parties, qu’il était sous-dimensionné pour un bateau de 12 tonnes, et que je pouvais le refourguer là où je l’avais trouvé s’il continuait à râler.
Bon, si je ne l’ai pas dit, au moins, je l’ai fortement pensé.

That damn autopilot

Bricolage du pilote

Quoi qu’il en fut, un peu plus tard la mer a forci, et le pilote ne pouvait plus étaler. Nous avons dû l’enlever.
(J’ai voulu l’essayer à nouveau quelques jours plus tard, mais il avait définitivement grillé).

Le premier bateau que nous avons rencontré fut un gros chalutier qui traçait sa route en trainant ses filets. Nous étions sur une route de collision, il était prioritaire, j’ai donc fait un large détour derrière lui, bien à distance de quoi que ce fut-ce qu’il remorquât.

Nous n’avons pas rencontré d’autre bateau avant tard dans la soirée, quand nous approchâmes des couloirs de navigation des gros navires.

J’ai trouvé qu’il était plus facile de repérer les bateaux la nuit. La mer était plus calme, le ciel clair et étoilé. D’un rapide tour d’horizon nous détections la moindre petite lumière, qui éveillait notre attention et que nous surveillions ensuite avec soin.

C’était un passe-temps intéressant, que d’observer les feux des bateaux pour déterminer leur cap, leur vitesse, leur taille et la distance qui nous séparait d’eux. S’ils allaient passer devant nous ou derrière nous. Voir le reflet de leurs feux sur l’eau était une bonne indication de leur immédiate proximité. Mais nous n’eûmes à changer de cap que 2 fois.

De la myriade de bateaux observés sur le web, nous n’en avons vu tout au plus qu’une douzaine. Certains nous ont croisés devant nous, d’autres derrière, d’autres suivaient des routes différentes.

Notre émetteur-récepteur AIS était allumé, et réglé pour afficher une alarme dès qu’il détecterait un écho dans un rayon de 2 milles. En réalité, chaque fois que l’alarme s’est déclenchée, nous avions déjà repéré le bateau depuis un bon moment.

John et moi faisions des quarts de 2 heures, nous permettant de dormir un peu ou du moins de nous relaxer. Ce fut surtout le cas pour moi au matin, quand j’ai réalisé que j’avais laissé mon équipier 4 heures sur le pont! Nous étions déjà en vue de la côte.

Nous avons été au moteur toute la nuit, mais avions conservé la voile d’avant. Il n’y avait pas assez de vent pour nous garder en route, mais elle nous faisait quand-même gagner un nœud et stabilisait le bateau.

Sans doute que nous étions très relaxés, car nous nous étions écartés de 4 milles de notre route à l’approche de la côte, sans doute à cause d’un courant que nous n’avions pas pris en compte.

Au cas où ma tablette m’aurait lâché au moment le plus important, je l’avais laissée éteinte toute la nuit. Alors que nous entrions dans le loch de l’Aber Wrac’h, je l’ai rallumée pour être bien sûr que nous suivions exactement la route que j’avais tracée sur sa carte.
J’admets que c’était une solution facile, mais c’était bien rassurant alors que nous naviguions entre îles et rochers.

Comme nous approchions de l’entrée de la marina, un employé du port nous a abordé sur un canot pneumatique. Voyant notre drapeau, il a essayé de parler anglais mais mon accent du sud de la France l’a immédiatement mis à l’aise. Il nous a recommandé de le suivre, nous a guidé vers notre emplacement et nous a aidé à nous amarrer. Nous avons beaucoup apprécié cet accueil très professionnel.

L'Aber Wrac'h

L’Aber Wrac’h


Nous avions une bonne raison de choisir l’Aber Wrac’h comme point d’atterrissage en France: mon frère Frédéric, qui vit à 2 heures de route, était là pour nous accueillir, et nous emmener passer la soirée et la nuit chez lui, après un bon repas pris en route.

Karim, my french crewmate!

Karim, my french crewmate!

Mon neveu Karim, jeune célibataire de 33 ans, s’était porté volontaire pour être mon nouvel équipier, John ayant terminé ses fonctions. Nous l’avons récupéré à la gare de Saint Brieuc, et nous avons passé la soirée avec l’ancien équipier et le nouveau réunis.

Comme toujours, une soirée avec mon frère, que je vois au maximum 2 fois par an, promettait d’être… intéressante.
De plus, nous voulions honorer la présence de John, qui prenait le train le lendemain matin pour son long voyage de retour à York.

Ce fut vraiment un bon moment, avec très peu de sommeil pour certains d’entre nous


Karim et moi avons aussi pris le train, plus tard le lendemain, pour l’Aber Wrac’h.

Avant de naviguer, je voulais passer une journée avec lui sur China Blue et lui expliquer ce que serait sa mission.

Nous en avons profité pour prendre un bus et aller faire un peu de ravitaillement, et le soir nous avons diné dans une petite crêperie avec Fanny, une jolie jeune fille amie de Karim, vivant à Brest. Elle nous avait été d’une grande aide la veille, nous conduisant de  Brest à l’Aber Wrac’h alors que notre train avait pris du retard et que le dernier bus était parti.

Maintenant, la partie française de notre voyage pouvait commencer!

(À suivre)

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