Chapitre 12 – On découvre la Bretagne

De L’Aber Wrac’h à Camaret – Contre vents et marées

Pour ma première étape avec mon nouvel équipier, j’avais choisi une courte distance.
Il y avait 37 milles jusqu’à Camaret, en empruntant le fameux Chenal du Four.

Nous avons quitté L’Aber Wrac’h un peu avant 09h00, en direction du nord-ouest. Je tenais à faire de la voile, alors nous allions faire ces 6 milles bâbord amures, à l’opposé de notre destination, de manière à avoir le vent sur tribord quand nous ferions cap au sud-est.

Mon nouvel équipier était plein d’enthousiasme. Il barrait comme un vieux loup de mer, comme s’il avait fait ça toute sa vie et doublait le Cap Horn tous les weekends.

Du moins, jusqu’au moment où il m’a confié la barre pour descendre dans la cabine, effectuer, disons, quelque chose que je ne pouvais pas faire à sa place.
Une minute plus tard, il jaillissait de la descente, avec un regard bizarre. Puis, animé d’une soudaine impulsion de noble tradition marine, il fit à Neptune la généreuse offrande de son petit déjeuner.

Pauvre gamin...

Pauvre gamin…

Je crois que c’était ma faute. Je ne l’avais pas suffisamment mis en garde contre les dangers de s’aventurer là en-bas en navigation, pendant les premiers jours en mer. Le pauvre l’a appris à ses dépends.
Il a passé une très mauvaise matinée, se sentant très mal. Mais je ne pouvais plus rien y faire.
Il n’y avait ni parking ni aire de repos où il aurait pu descendre et se changer un peu les idées.
Il a fini par s’allonger dans le cockpit et s’endormir. Les choses se sont graduellement améliorées à mesure que la journée avançait.


Le “Chenal du Four” est un endroit où circule un fort courant de marée.
Un bon timing est absolument nécessaire pour naviguer avec lui, et pas contre lui.

Nous avions consulté nos tables de marées, étudié les cartes des courants, et évalué en conséquence l’heure à laquelle nous devions larguer les amarres.

Dans le chenal du Four

Dans le chenal du Four

Eh bien… Quelque chose a dû foirer dans le processus. Nous avons embouqué le chenal trop tard, et malgré nos voiles et un vent relativement correct, nous avons dû démarrer le moteur.
Je pouvais voir, à notre sillage, que nous faisions une bonne vitesse sur l’eau. Mais le GPS nous indiquait un ridicule 2 nœuds de vitesse fond. Nous devions bien avoir 4 nœuds de courant contraire, et la mer était parfois chaotique.

Je suppose que je ne suis pas le premier à m’y être fait prendre. Les navigateurs locaux n’ont même pas besoin de consulter les cartes des courants, ils savent par habitude quel timing adopter et quelle route choisir. Je ne suis pas un navigateur local, et nous avons eu longuement le temps d’admirer la côte, alors que nous doublions très lentement Le Conquet

Le Conquet

Le Conquet

Nous sommes arrivés à Camaret sur Mer vers 20h00. Nous avions mis onze heures pour parcourir ces 37 milles, ce qui donne un moyenne approximative de 3.36 nœuds.


L’étape suivante promettait aussi d’être pointue au niveau des courants, plus particulièrement parce que nous devions doubler le “Raz de Sein”, ou “Pointe du Raz”, que certains locaux aiment à appeler « leur petit Cap Horn » . Il est impératif de le passer à marée haute, de préférence une heure avant, sous peine de rencontrer des conditions de mer très difficiles.
Nous avons à nouveau commencé à calculer notre heure de départ en fonction de la marée, tout en n’étant pas trop sûrs de ce que nous avions mal fait lors de l’étape précédente.
Un type sur un autre bateau nous a même conseillé de partir en pleine nuit…
Alors, nous avons tout laissé tomber, et nous sommes allés nous coucher.
Et nous nous sommes réveillés très tard le lendemain, sans la moindre intention d’aller nulle part!

Bateau mort...

Bateau mort…

Nous en avons profité pour nous promener dans cette jolie petite ville, faire quelques courses, et visiter le port et son cimetière de bateaux.

Dans l’après-midi, nous avons pris les amarres d’un petit voilier qui arrivait à côté de nous. Ses occupants nous paraissant assez « locaux » , nous avons décidé de demander leur aide, pour notre estimation de la meilleure tactique à adopter pour passer la  Pointe du Raz.

Ils se sont révélés être des gens très agréables, Josi et Patrick, un charmant couple, de quelques années plus âgés que moi. Ils nous ont invités sur leur voilier “Souen” pour un thé d’apéritif, mais n’ont fait aucune objection quand nous avons préféré apporter nos bières.

Ils ne buvaient plus d’alcool, et nous ont expliqué que certaines de leurs relations n’avaient pas accepté leur décision et ne les fréquentaient plus.

Patrick et Josi

Patrick et Josi

Nous avons passé un agréable moment avec Josi et Patrick. Ils ont résolu nos problèmes de navigation et de marées, sans avoir eu besoin de cartes ni de mathématiques. Nous devions tranquillement quitter Camaret vers huit heures trente le matin, pour être dans les temps à la Pointe du Raz avec le bon courant.

C’était leur terrain de jeux!

Une belle leçon, au passage: parler aux gens, être humble, demander des conseils, les écouter. Ils peuvent vous aider et seront heureux de le faire.
Et vous aurez de nouveaux amis.

Une fois de plus, j’ai pu apprécier l’amitié sincère, et la solidarité qui lie les gens de mer, et que je n’ai pas toujours trouvées ailleurs.

La voile rend les gens meilleurs!

(À suivre)

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