EN DYNAMIQUE
De longue date, Patrick avait préparé ce voyage au long cours nous embarquant de France vers l’Irlande, de Soubise à Malahide.
Ainsi, un tableau Excel en présentait, jour par jour, les différentes étapes, coefficients et horaires de marée, distance à parcourir, heures de départ et d’arrivée, vitesse prévisible, météo…
Ce planning adressé à chacun d’entre nous sera présenté et commenté par son rédacteur lors d’une visio de prise de contact entre nous quatre.
Si Eric était connu de Patrick, ce n’était pas le cas de Bruno ni de Christian qui allaient découvrir notre futur quartier maître, un navigateur expérimenté et respecté dans le milieu.
Son bon sens marin a vite recadré les limites et les ambitions de cette minutieuse planification élaborée par notre capitaine.
« En mer, rien n’est prévisible, et il faut agir en mode dynamique, c’est à dire en s’adaptant en permanence aux conditions réelles de navigation et aux différentes situations données » CQFD.
«En dynamique », posture raisonnable et pragmatique, sera adoptée à l’unanimité par l’équipage comme une règle de vie valable en mer comme sur terre.
Cette attitude sera ensuite largement mise à toutes les sauces, commentant ou justifiant de multiples situations où les choses ne se passaient pas comme prévu, ou n’étaient pas prévues du tout…
Ce terme et ce mode de fonctionnement seront exportés en Irlande et adoubés par nos amis de Malahide !
POURQUOI L’ABER-ILDUT ?
L’une des escales pressenties et proposée par notre capitaine pour le voyage « aller » était l’Aber Ildut, Finistère.
Si Bruno ou Christian n’avaient aucune raison de s’opposer à l’enchainement des étapes décrites dans le programme élaboré, voilà qu’Eric, à brûle-pourpoint, demande à Patrick : mais pourquoi « L’Aber Ildut ? »
Bonne question.
Aux yeux de Patrick, pas de raison spécifique ou particulière pour justifier ce choix finalement arbitraire.
Aussi, nous conviendrons qu’une décision, avant d’être suivie d’une action, devra répondre positivement à la question du genre : Pourquoi l’Aber Ildut ?
Plus simplement, et sans conséquence aucune, le mot « pourquoi » sera par la suite rarement prononcé sans que l’un d’entre nous ne lui fasse écho par « Et pourquoi l’Aber Ildut » !
C’EST MON BATEAU !
Un voilier de type goélette au gréement de jonque est plutôt singulier dans le monde des voileux, surtout en France.
L’effet de surprise, voire d’admiration se produit quand Paradox of Plym affiche ses belles voiles bleues…
Les bateaux qui le croisent jettent alors des regards de curiosité, d’admiration, et qui sait, de jalousie ; on prend des photos et des vidéos…
Et notre capitaine, gratifié par cet intérêt porté à son navire s’écrie fièrement comme un gamin à chaque occasion : « c’est mon bateau ! »
SI Y EN A …, SINON TANT PIS !
L’expression, « Si y en a… sinon tant pis » est d’origine Labruguièroise : un client peu fortuné de l’agence Caisse d’Epargne de Labruguière, dans laquelle Christian travaillait au début de sa brillante et longue carrière, avait l’habitude de demander quelques billets de 100 Francs « Si y en a… sinon tant pis », ne sachant pas si son compte était suffisamment approvisionné et étant prêt à faire contre mauvaise fortune, bon cœur.
En mer, il arrive que l’avitaillement connaisse quelques défauts, qu’un outil ou un bout manque. C’est alors que cette expression résiliente par excellence se fait entendre et l’on sait s’adapter, « en dynamique !
ALAIN DELON EST MORT
Quelques jours avant notre départ de Soubise, la France entière apprenait le décès d’Alain Delon, célèbre acteur à valeur patrimoniale.
Les médias, tous supports confondus, avaient largement communiqué sur cet événement national comme il se doit dans cette circonstance…
En mer, on ne lit pas les journaux, on ne regarde pas la télé, on n’écoute pas la radio, mais à la faveur de la captation d’un réseau 3, 4 ou 5G si l’on se trouve près de la côte, l’on peut consulter (subir) les nouvelles du monde via internet…
Pendant des semaines, les informations continuaient de faire état des circonstances et des conséquences de la perte de ce monstre sacré…
Pour nous moquer de cette inflation de nouvelles manquant de fraîcheur : nous nous plaisions à l’annonce quasi quotidienne faite à l’équipage :
« Vous savez quoi ? Alain Delon est mort ! »